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Photo of an elderly woman's eyesArticle vedette
La prévention des
chutes dans la mire

Un programme novateur de dépistage des
troubles de la vue aide à réduire les
blessures chez les personnes âgées
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Par Bob Armstrong La photographie par Marianne Helm
Nov./Déc. 2018

Ça semble simple à première vue - une affiche blanche sur laquelle sont inscrits quatre E majuscules, orientés dans quatre directions différentes, vers le haut, le bas, la gauche et la droite.

Malgré son apparente simplicité, cet outil est précieux pour les personnes qui travaillent à un programme novateur offert au Centre de santé Misericordia.

Comme l'indique son nom, le Focus on Falls Prevention Vision Screening Program vise à faire du dépistage des troubles de la vue chez les résidents des foyers de soins et les personnes âgées de la communauté dans le but d'améliorer la sécurité des patients et de réduire les blessures causées par des chutes pouvant être attribuables à la perte de mobilité et d'autonomie.

D'abord mise en place comme projet pilote en 2006, puis transformée en programme provincial en 2010, cette initiative est fondée sur une prémisse toute simple, explique Mary Ann Masesar, coordonnatrice du programme et formatrice au centre Misericordia.

Photo of Karen McCormac and Mary Ann Masesar
Karen McCormac (à droite) et Mary Ann Masesar montrent des outils de dépistage des troubles de la vue.

« L'évaluation permet de constater les problèmes de vision et de déterminer si un résident peut accomplir ses activités quotidiennes en toute sécurité », explique-t-elle.

On estime que de 20 à 50 % des personnes âgées ont des problèmes de la vue non diagnostiqués et de nombreux résidents de foyers de soins personnels n'ont pas une assez bonne vision pour éviter de tomber après avoir trébuché. Même des choses en apparence toutes simples, comme la transition entre un plancher et un tapis, peuvent faire trébucher une personne qui ne voit pas clairement ce qui l'entoure. Les escaliers peuvent être dangereux et les mains courantes inefficaces pour les gens qui n'arrivent pas à voir où ils doivent mettre les pieds ou les mains.

Selon Karen McCormac, responsable du Focus on Falls Prevention Vision Screening Program, les chutes sont courantes dans les foyers de soins et les hôpitaux. Comme une chute peut causer une blessure qui mettra fin à l'autonomie et à la qualité de vie d'un résident, la prévention des chutes est prioritaire. Il est aussi bon de noter que la prévention des chutes est aussi bénéfique pour le système de santé. Le simple fait de prévenir une fracture de la hanche peut se traduire en des économies de 60 000 $ ou plus.

« Les stratégies de prévention des chutes misent sur des interventions axées sur la force, la souplesse et l'équilibre, mais nous voulons aussi nous assurer de faire des examens de la vue », ajoute Mme Masesar.

Sandy Bell, une ancienne infirmière gestionnaire dans l'une des unités de soins prolongés du centre Misericordia, a proposé le concept de ce projet de dépistage en 2005. À ce moment, les familles des résidents demandaient que ceux-ci puissent passer un examen de la vue. Sandy Bell a alors cherché un outil de dépistage qui pouvait servir à détecter les problèmes de vision des résidents. Elle en a alors trouvé un utilisé au Centre for Eye Research, en Australie.

En 2006, le centre Misericordia a mené une étude au foyer de soins Misericordia Place pour vérifier l'efficacité de cet outil. L'étude a permis d'examiner 74 résidents qui n'avaient pas de problème de la vue diagnostiqué au moment de leur admission. Cependant, le dépistage a révélé que 72 d'entre eux avaient effectivement des problèmes visuels.

Le lien entre le traitement des troubles de la vision et la réduction des chutes a été démontré en comparant les chutes chez les personnes dont les troubles de vision sont traités et les chutes chez les personnes qui ont choisi de ne pas le faire. Il n'y a pas eu de chute ni de fracture chez les personnes qui ont traité leurs problèmes de vision. Chez les 29 résidents qui ont refusé les traitements, 18 ont fait des chutes qui ont provoqué huit fractures. Les personnes qui n'ont pas traité leurs problèmes de vision avaient aussi moins d'interactions sociales et plus de dépression.

En 2009, on a examiné sept foyers de soins personnels où l'outil de dépistage avait été utilisé et constaté des résultats semblables. L'examen était efficace pour dépister les troubles de la vision des résidents et les résidents qui acceptaient les traitements faisaient moins de chutes que ceux qui les refusaient. Dans un foyer de soins, le traitement des troubles de la vision s'est traduit par une diminution de 76 % des chutes avec blessures.

Le test de dépistage ne dure qu'une dizaine de minutes et vise à identifier les résidents qui doivent consulter un optométriste ou un ophtalmologiste.

Dans le cadre du dépistage, on demande aux résidents d'indiquer dans quelle direction fait face un E majuscule sur une affiche. Pour le test, l'affiche est placée à une distance de lecture, puis à une distance de 10 pieds. Cette partie du test indique si la personne a besoin de voir un spécialiste de la vue.

On demande aussi à la personne de regarder à travers un masque sans ouverture pour les yeux, mais plutôt percé d'une série de minuscules trous. En général, une personne myope qui regarde à travers ces trous d'épingle trouvera qu'elle voit un peu plus clairement, tout comme le fait de plisser les yeux peut aider à voir un peu mieux. Si la vision n'est pas plus claire en regardant à travers ces trous, cela indique que la personne devrait consulter un ophtalmologiste. Les ophtalmologistes se concentrent sur les maladies de l'œil, comme le glaucome, la dégénérescence maculaire et les cataractes. Les optométristes se concentrent sur l'acuité visuelle et sur l'évaluation de la santé générale des yeux.

Photo of Misericordia Place resident Bruna Dandri looking over an eye test card with vision screening team members Mary Ann Masesar and Karen McCormac
Une résidente de Misericordia Place, Bruna Dandri, jette un coup d'œil à une affiche d'examen oculaire, en compagnie de Mary Ann Masesar et Karen McCormac de l'équipe de dépistage des troubles de la vue.

L'outil de dépistage révèle souvent que les gens réussissent bien à cacher leurs problèmes de vision.

« Il est surprenant de les voir dans leur milieu de vie, car on peut avoir l'impression qu'ils voient assez bien, mais le dépistage montre qu'ils ont une vision de 20/100 ou de 20/200 et qu'ils ne voient en fait que des formes », mentionne Karen McCormac.

Parfois, on se rend compte qu'un résident qui a une très mauvaise vue se débrouille au toucher ou de mémoire, sans voir clairement son environnement. Mme McCormac se rappelle une visite dans un foyer de soins où une dame est entrée dans la salle à manger, comme si elle voyait très bien où elle allait, pour ensuite coller le menu sur son visage pour être capable de le lire.

« C'est une véritable révélation pour le personnel de constater qu'un grand nombre de résidents ne voient pas bien du tout », dit Mary Ann Masesar.

Bien que le but premier de l'évaluation de la vue soit de réduire les risques de chute, la détection des problèmes de la vue améliore aussi la qualité de vie des résidents.

Auparavant, au moment de l'admission dans un foyer de soins personnels, on vérifiait si la personne portait des lunettes, mais on ne faisait pas d'évaluation pour déterminer si elle voyait bien. Depuis la création de l'outil de dépistage, Mary Ann Masesar et Karen McCormac ont formé plus d'une centaine de membres du personnel pour évaluer la vision et dépister les problèmes.

Elles se sont rendues dans environ la moitié des 38 foyers de soins personnels de Winnipeg et ont aussi fait de la formation à Brandon, Dauphin, Beauséjour et Selkirk. Des établissements de santé d'autres provinces ont aussi conclu des ententes avec l'Office régional de la santé de Winnipeg pour que Karen McCormac ou Mary Ann Masesar forme du personnel en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest.

La clinique mobile d'optométrie est un autre service supervisé par le programme de dépistage. Un optométriste se rend dans des foyers de soins personnels où des évaluations de dépistage ont indiqué que des résidents avaient besoin d'un examen complet de la vue.

Le fait d'avoir un optométriste qui se rend dans les foyers de soins plutôt que de faire déplacer les résidents pour une telle consultation facilite les diagnostics et le renouvellement des prescriptions de lunettes pour tout le monde. Durant ces visites, des réparations mineures, comme le remplacement des plaquettes de lunettes ou le resserrement des branches, permettent de s'assurer que les lunettes sont bien ajustées.

Photo of Misericordia Place resident Bruna Dandri peering through a pinhole mask
Une résidente de Misericordia Place, Bruna Dandri, regarde à travers un masque utilisé pour les examens de la vue.

L'équipe du programme Focus on Falls Prevention Vision Screening participe aussi à divers programmes communautaires, comme des ateliers sur les chutes, des séances d'information pour les personnes âgées, les familles et les organismes de la communauté et des conférences.

L'infirmière Angela Raine-Magri fait passer le test de la vue au foyer de soins personnels Actionmarguerite de Saint-Boniface, depuis deux ans. Cette évaluation est offerte à tous les nouveaux résidents au cours du mois qui suit leur admission. La plupart des résidents évalués sont ensuite dirigés vers un optométriste, souvent afin de renouveler une prescription de lunettes ou d'évaluer la santé générale de leurs yeux.

« On oublie souvent de porter attention à la vision des résidents, dit-elle. Le personnel sait si un résident porte des lunettes et lui rappellera de les porter ou les nettoiera au besoin. Toutefois, il ne sait pas nécessairement à quel point le résident arrive à bien voir avec ses lunettes. Certaines personnes ont les mêmes lunettes depuis 20 ans. »

Selon Angela Raine-Magri, le fait de s'occuper de la vision des résidents est bénéfique pour leur qualité de vie, car on peut ainsi éliminer un obstacle potentiel à leur participation à des activités sociales et récréatives et leur apporter une plus grande autonomie.

Bob Armstrong est un rédacteur de Winnipeg.